Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Tout est sous... écrit
Archives
27 janvier 2011

Hadopi-hip-houra... ou pas? Essai sous forme de dialogue

"Madame, Monsieur, 

Attention, votre accès à internet a été utilisé pour commettre des faits, constatés par procès verbal, qui peuvent constituer une infraction pénale."

 Cette petite phrase, vous pourriez la trouver demain en ouvrant votre boîte mail...

 La croisade contre la piraterie moderne bat son plein.

 Nous sommes quelque part dans un port français. Autour d'un imposant bateau, une troupe de marins en uniforme s’apprêtent à appareiller:

"- Capitaine! On a sabré le champagne, le navire Hadopi a pris la mer. Sus aux vilains corsaires! Pas de cartiers! Houra! Du petit pirate d'eau douce au flibustier de la haute, même combat, même punition! Houra!

- Oui les enfants. Nos informations sont clairs, le pirate moyen est de type mâle et a entre 15 et 24 ans. Mais attention! N'oubliez pas que, comme on n'est pas des sauvages, on somme bien deux fois avant de tirer! Après ça, les obstinés et les sourds iront par le fond à coup de boulets de canon!  

-Houra!

-Pour la défense des droits d'auteur, hado hip hip hip!

-Houra!"

Quelques semaines plus tard, au beau milieu de l'océan, une sombre trois mâts file sur l'eau à toute vitesse. Au grès du vent, le fameux drapeau noir claque dans l'air. Juste en-dessous, un vigile scrute la mer:

"-Captain! Navire à bâbord! 

-Affûter vos claviers les amis! Je sens qu'il regorge de tonneau de musiques et de coffres de films!

-Captain!

-Quoi?

-Ce n'est pas un navire d'artiste...

-Mais c'est quoi alors?

-Hado, hadodo, hadopi!

-Hadopi? Une plaisanterie! 

-Mais capitaine! Ils tirent après somations! Ils tirent des boulets de canon!

-Bah! Des boulets de canon, tu veux rire? A 1500 euros le boulet, nous devrions survivre... Rendons-nous!

-Se rendre?

-Oui mes amis. Evidemment, ça sera la mise à pied assurée pendant un certain temps. Mais ceux qui désirent reprendre la mer pourront le faire sur un autre navire..."

Quelques mois plus tard, l'équipage parait devant le tribunal:

"-Votre honneur, j'en appelle aux libertés individuelles et à la présomption d'innocence! Nous ne sommes pas coupables des crimes dont on nous accusent! 

-Silence dans la salle!

-A quoi riment cette croisade de David contre Goliath? Ne sachant par qui commencer, vous vous attaquez au premier venu, c'est injuste... et anti-démocratique!

-Silence!!!

-Comprenez-nous, nous pauvres pirates. Avide de culture, nous avons quitter la terre ferme où elles étaient trop chère pour nous. Nous n'y trouvions pas toujours ce que nous voulions. Alors nous avons pris la large. C'était la belle vie, D'abord nous ne pirations qu'à l'occasion puis, l'habitude faisant, le marché du disque et la superette du film sont devenus pour nous des lieux oubliés. A la place, une vraie utopie est née. Celle de la liberté, de la démocratie et de la gratuité. 

-Silence où je fait évacuer la salle! De quelle utopie parlez-vous? De celle qui pourrait bientôt se réaliser, de celle qui nous promet un avenir où les artistes auront quitté les mers ayant tous fait faillite par votre faute! Ah la belle utopie!"

J'arrête là ce petit dialogue pour développer plus en profondeur certain points.

 Outre les difficultés techniques et juridiques que devraient connaître la loi Hadopi, il apparaît que la question fondamental qu'elle pose est celle, pour reprendre une formule de Walter Benjamin, de l'oeuvre d'art à l'heure de son libre accès. En fait, cette question découle naturellement de la reproductibilité de l'art. A partir du moment où une oeuvre est facilement reproductible et donc diffusable, on devait s'attendre à ce qu'elle tombe dans le domaine public. La libéralisation des moyens de communication est telle que vouloir contrôler cette diffusion est totalement vain. 

 Nous sommes donc face à un problème insoluble qui est celui de la rémunération des acteurs de la création artistique. Si le web semble un territoire inapproprié pour ériger une dictature de la consommation artistique, il ne reste qu'une solution. Une refonte totale du système de partenariat entre acteur de diffusion, acteur de création et état est nécessaire. De plus, il faut remettre l'idée de qualité du support et celle de justification morale au centre du choix des consommateurs via la publicité. 

Ce débat passionnant est fondamental pour l'art qui a connu une désacralisation au cours du dernier siècle. Cette voie semble caduc pour les artistes. Il faut réapprendre à consommer la culture si on en veut pas qu'elle disparaisse.



 

Publicité
Commentaires
Tout est sous... écrit
  • Du siège au clavier, blog de critique (cinéma, théâtre, danse, littérature) ainsi que de création personnelle (essais, nouvelles, photographie, chronique "l'humeur de..." et la citation de la semaine) par des étudiants en Arts du spectacle.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Publicité